Des abeilles et des Hommes

Les abeilles sont malades. Ces dernières années, les agriculteurs sont démunis devant un phénomène dont l’origine semble incertaine. Les ruches se vident, ou plus exactement, elles ne se remplissent plus au printemps venu. Les hypothèses abondent pour désigner le coupable mais on peine à le mettre sous les verrous. Les écologistes ont même probablement bannis des innocents au nom de la nouvelle morale écologique. Alors que nous regardons les populations d’abeilles se réduire sous nos latitudes, et que certains tirent la sonnette d’alarme pour sauver ce sympathique hymenoptere besogneux, il convient de condamner la vision pathologique que nous avons de nous-même. La coupable? Cette vision étriquée qui consiste à nous considérer comme des individus par nature égoïstes et calculateurs, légitimant par là-même les dérives du monde capitaliste, et l’exploitation à outrance de la nature. Homo Economicus contre Apis Melifera? Voyage dans les ruches apicoles et humaines, accrochez vos ceintures et vos jabots. Les hommes sont malades.

Abeille mon ami

Tout allait bien au monde de Maya l’abeille, jusqu’à ce que cette dernière meurt de façon étrange. Ce placide insecte strié de jaune et de noir est un bio-indicateur particulièrement sensible. Même a faible intensité de pollution, les populations d’abeilles en pâtissent et indiquent ainsi que leurs environnement est menacé. En 2008, aux États-unis, un tiers des ruches est atteint du CCD (Colony Collapse Disorder ou Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles) dont le symptôme, relativement explicite sur le degré de malaise, est l’abandon total d’une ruche par ses anciens habitants.

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Maison abandonnée n°1 – Kevin Bauman – 100 Abandoned Houses

Le problème est d’importance car au-delà du simple fait qu’elles nous fournissent en délicieux miel, ces petits êtres ailés se chargent de la pollinisation de plus de 20000 espèces végétales, dont certaines stratégiquement très importantes comme le kiwi, le melon, le concombre, la courgette, la pêche, l’abricot, les poires pour ne citer que certaines parmi d’innombrables autres. En l’an 2000, des psychopathes des chiffres ont estimé que l’apport de l’abeille pour l’économie des États-unis s’élevait à 15 milliards de dollars, soit l’équivalent de la production annuelle de richesses d’un pays comme la Jordanie. Les habitants des ruches sont donc nos amis car ils nous rapportent, une sorte d’insecte aux pollens d’or…

C’est la faute aux nazis bien sur!

La suite de l’histoire est aujourd’hui presque banale et n’étonnera personne dans ces premiers développements. Chez les humains, on se penche donc sur la question et on identifie surtout deux suspects, à savoir deux pesticides, le Gaucho et le Régent, respectivement commercialisés par les multinationales Bayer et BASF. Ces entreprises sont pour l’écologiste moyen que je suis des criminels multi-recidivistes en liberté conditionnelle. Tous deux ont trempé dans le nazisme et sont régulièrement épinglé pour leur débouchés commerciaux aux conséquences environnementales désastreuses. En « honneur » à la présomption d’innocence, les suspicions pesant sur ces aspirateurs à profits se transforment d’elles-mêmes en preuves irréfutables de leur culpabilité. Les produits incriminés, des insecticides systémiques qui tuent sans distinction et qui n’ont donc a priori pas les faveurs de la ménagère de moins de cinquante ans ni de l’altermondialiste moyen. Sous la pression du SEAPM (Syndicat Européen des Abeilles Productrices de Miel) la France et l’Allemagne en interdisent assez rapidement l’utilisation. La veuve et l’orphelin peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

agriculture-nazi

La fable écologique aurait du se terminer ici, mais voilà, coup de théâtre! Une étude rendue publique par l’AFSSA (Agence Française de Sécurité SAnitaire) révèle que ces produits ne sont pas à incriminer dans la désertion des ruches. Même si l’indépendance de cette institution laisse franchement à désirer par ces liens parfois suspects avec les intérêts de l’industrie agro-alimentaire, force est de constater que les interdictions formulées en 1999 (Régent) et 2006 (Gaucho) n’ont pas du tout enrayé le déclin des ruches françaises jusqu’à aujourd’hui. Comme des meurtres qui continueraient une fois l’assassin arrêté, il y a matière à s’interroger … Ainsi, malgré que ces produits soient aujourd’hui absents de l’armement chimique des agriculteurs et que les fleurs pullulent sur un territoire très orienté vers l’agriculture, la production française de miel continue de s’effondrer et l’on importe environ 50% de nos besoins. Le coupable court donc toujours.

Bas les masques!

L’histoire est celle d’un bon roman d’Agatha Christie en partance d’Istanbul à bord de l’orient express. Hercule Poirot scrute les cadavres d’abeilles et soupçonne alternativement tous les témoins et parties prenantes. Dans un méli-mélo de preuves et de recoupements il semble qu’une hypothèse incroyable mais plausible se dessine: et si tous les suspects dans le train étaient coupables? L’impossibilité à résoudre cette histoire d’abeilles vient bien plutôt du système agricole, industriel et idéologique en place dans notre civilisation. Ce ne sont pas les pesticides le problème, ni les OGMs, ni les grandes exploitations agricoles, ni la monoculture, ni la déstabilisation climatique, ni la qualité nutritionnelle et immunitaire des plantes, ni la logique du profit, ni la fertilité des sols, mais c’est bien tout cela la fois.

Petit cours accéléré du complexe agro-chimique et industriel par Claude bourguignon

Cette vicieuse d’abeille

On cite souvent à propos des abeilles, et on attribue surement à tord, cette inquiétante citation d’Albert Einstein: « Si l’abeille venait à disparaître, l’espèce humaine n’aurait que quatre années à vivre ». Hormis le fait que je fais beaucoup plus confiance au découvreur de la théorie de la relativité restreinte en tant que physicien de génie qu’en tant que prophète éclairé à tendance catastrophiste, il est toutefois exact que nous avons avec les abeilles une relation intime, une inter-dépendance inscrite dans les siècles qui doit nous interpeller. Les abeilles menacées, nous sommes egalement sur la sellette. C’est bien de notre capacité à avoir une relation responsable et saine avec nous même qui nous rendra capable de prendre soin de notre planète.

« La nature est invincible, au contraire, c’est l’homme, et surtout l’homme capable de liberté qui est fragile et qui peut disparaitre »

Bernard Charbonneau

Tout le problème et l’erreur des écologistes, c’est d’accuser tel ou tel pesticide ou tel OGM, tel type d’agriculteur ou tout autre chose. Dans le fond, c’est notre propre vision de nous-même qui est à la source de tout ce système et qui nous fait accepter cette course à l’intérêt égoïste comme un fondement indépassable du vivre ensemble et une tendance naturelle de l’homme. Coïncidence intéressante, la pensée libérale de notre époque, qui est à la source de cette vision absurde de nous-même, a été influencé entre autres par La fable des abeilles écrite par Bernard Mandeville en 1714. La thèse de cet auteur, qui a notamment fortement influencé le père du libéralisme économique Adam Smith, est que la bonne marche d’une société, ce qu’il appelle la ruche prospère, se base particulièrement sur les vices de ses membres.

C’est ainsi que, chaque partie étant pleine de vice,
Le tout était cependant un paradis.
Cajolées dans la paix, et craintes dans la guerre,
Objets de l’estime des étrangers,
Prodigues de leur richesse et de leur vie,
Leur force était égale à toutes les autres ruches.
Voilà quels étaient les bonheurs de cet état ;
Leurs crimes conspiraient à leur grandeur,
Et la vertu, à qui la politique
Avait enseigné mille ruses habiles,
Nouait, grâce à leur heureuse influence,
Amitié avec le vice. Et toujours depuis lors
Les plus grandes canailles de toute la multitude
Ont contribué au bien commun.

Bernard Mandeville – La fable des abeilles (Extrait) – 1714

Plus encore, s’opposant ainsi frontalement au paradigme grec de la bonne marche de la société par l’appel aux vertus des individus et à la mesure en toute chose, Mandeville décrit l’effondrement de cette même société si l’armée de démons que nous serions se transformait en communauté d’anges. Par la même, on trouve contre toute attente que les vices sont acceptables (voir à promouvoir?) en ce qu’ils garantissent la prospérité et que la vertu mène à l’effondrement de la ruche.

Encore et toujours, le capitalisme et sa sainte croissance

Toutefois, la réalité est bien cruelle pour notre ami Mandeville, dont on entend encore régulièrement les délires d’un autre age lorsqu’un être humain, plein de sagesse, semble vouloir déclarer « qu’il n’y a rien de mieux qu’une bonne guerre pour relancer une économie », que « jeter un papier par terre c’est créer de l’emploi pour des balayeurs »… Bref creusons des trous pour rien c’est bon pour la croissance…Les abeilles sont, parmi d’autres, les victimes de cette idéologie qui veut que nous supposions l’homme mauvais pour le plus grand bonheur (matériel) possible. Et comme il était possible de le prévoir, porter en exemple de tels individus promeut bien une société partiellement prospère mais egalement une société à leur image, calculatrice, égoïste et individualiste.

Prospère à court terme et malheureuse, voilà la prophétie de Mandeville réalisée dans nos sociétés. L’idéologie libérale et capitaliste actuelle est aujourd’hui incapable de résoudre la contradiction entre une stabilité politique par la production toujours croissante de marchandises et les limites non négociables de notre environnement. Les économistes libéraux sont en sueurs lorsqu’ils doivent trancher entre la protection des abeilles et la croissance de la production végétale. Dans le doute on continue à produire, on pourra peut-être affamer un peu plus de gens pour continuer a sur-consommer négocier une planète supplémentaire si on le demande gentiment.

« Si seulement on pouvait soumettre les abeilles! ». Mais voila, l’économie découvre que la limite de l’exploitation de l’esclave c’est sa destruction dans l’acte de production. Le grand écart impossible, l’icône sacrée, le mantra absolu, la cérémonie et le rituel censé ramener les ressources, le développement durable, sera bientôt visible pour tout le monde pour ce qu’il est, une imposture, le grigri d’une religion qui hypnotise, une contradiction dans les termes, et donc aussi un oxymore à occire.

« Toute personne croyant qu’une croissance exponentielle peut durer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

Kenneth E. Boulding

Le problème est en chacun de nous

Il serait bien trop simple et stérile de blâmer seulement l’économie, la croissance ou le libéralisme. Ces entités abstraites n’existent que parce que nous les faisons vivre d’une manière ou d’une autre: en consommant de manière excessive, ostentatoire ou compensatrice, en calculant nos choix, en maximisant notre intérêt, en ayant peur de notre voisin et en ayant un a priori négatif sur un inconnu. Pour reprendre les termes de Serge Latouche, nous avons un véritable imaginaire à décoloniser, une liberté à se réapproprier, pour enfin construire un monde meilleur.

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Cerveau décolonisé – El Puerto Rican Embassy

Toutefois, il faut dans ce projet de réhabilitation de la volonté de changer le monde, être conscient de la tension qui existe entre la liberté pleine et entière qui est le moteur de ces changements et les dérives potentielles de cette force. Isaiah Berlin a théorisé cette tension entre la liberté négative, celle au cœur du projet libéral qui consiste en l’absence de contraintes, et la liberté positive, celle de l’action volontaire et de l’auto-détermination. Pour lui, la deuxième forme de liberté est trop dangereuse et mène inévitablement à des dérives violentes, voir totalitaires. Pour cela il promeut la liberté négative, censée nous protéger de nous-même, de notre tendance « naturelle » à la violence et, pour le dire crument, aux massacres de nos semblables au nom d’un monde meilleur. La séquence suivante est tirée de l’excellent documentaire d’Adam Curtis, the trap, qui montre comment notre vision de nous-même comme des êtres fondamentalement égoïstes rend impossible la réalisation d’un monde meilleur. Sauver les abeilles n’en est alors qu’un exemple anecdotique.

The Trap – Adam Curtis – 2007 – Le piège de la liberté négative

Il faut réenchanter le monde, et promouvoir un monde meilleur en pleine conscience des risques potentiels du total exercice de notre liberté. Cet appel au réalisme magique n’est pas un mince projet, il est l’objet essentiel de notre époque, un champ de bataille en chacun de nous. les fronts sont marginaux mais innombrables. Ils faut les étendre et faire des jonctions lorsqu’ils se rencontrent. Common decency pour les uns, utopie pour d’autres, idéal Grecque ou simplicité volontaire pour d’autres, toutes tendent à supposer l’homme capable du meilleur au nom d’une idée plus vaste de la liberté. Seulement à ce prix nous retrouverons l’espoir d’un monde meilleur…


7 Commentaires

Classé dans Agriculture, Economie, Philosophie, Santé

7 réponses à “Des abeilles et des Hommes

  1. Salut,

    si pour sauver les abeilles, il faut revoir radicalement notre façon de faire, j’ai peur pour les abeilles …

    Est-ce que le fait que les abeilles soient aussi touchées ne viendrait pas (aussi) du fait que ce sont les seuls (?) insectes que l’on « éleve ». Elles seraient du coup moins aptent à survivre que les autres à cause des habitats mal adaptés (carrés), du pillage de leurs réserves remplacées par un substitu mois complet (sucre), etc.
    Ou alors on remarque surtout le désastre sur les abeilles juste parce qu’elles nous sont rentables ? Je me demande où en sont tous les autres pollinisateurs de l’ombre (abeilles solitaire, bourdons etc).

  2. karmai

    Bonjour Nicollas,

    Revoir notre facon de faire n’est pas le plus urgent dans le sens ou les techniques alternatives existent et son relativement bien connues, mais c’est bien plutot notre facon d’etre et encore plus notre facon de nous voir nous-meme en tant qu’etre humains.

    Il y a d’autres insectes que nous elevont et on n’observe pas de tels phenomenes. Le ver a soie par exemple, ou les coccinelle pour la lutte intégrée, ou encore la cochenille pour le colorant rouge qu’elle contient.

    Les ruches établient par les hommes ne sont pas des habitats inadaptés pour les abeilles, bien au contraire. De la meme facon que les etables permettent aux vaches de passer l’hiver en etant proteger du froid, la ruche artificielle permet a la colonie d’economiser de l’energie dans sa fabrication et de plus lui permet d’etre transportée dans des regions riches en pollen. Le rythme de transport deplus en plus intense des ruches peut etre un element d’inconfort, mais cela ne peut en aucun cas etre un facteur majeur d’une telle desertion.
    De meme le « pillage » comme tu dis est dans la relation de la domestication une « symbiose ». Les fourmis pillent egalement les pucerons de leur « caca sucré », pourtant on observe pas de mort a grande echelle chez les pucerons. L’elevage est une strategie evolutive comme une autre, et les cas de co-evolutions sont banals dans la nature. (les lichens par exemple, ou les evolutions fleur-oiseau pollinisateur…)

    Je crois qu’on a pas besoin de l’abeille pour prendre conscience de la destruction de la biodiversité et donc des autres pollinisateurs. C’est un fait aujourd’hui peu débattu dans la communauté scientifique, sur le fait que nous sommes responsables de la plus grande extinction d’especes depuis la derniere crise du Crétacé-Tertiaire. D’aileurs les insectes sont loin d’etre les plus touchés par ce phénomene qui se concentre surtout sur les grands mammiferes et les oiseaux. ce qui est en debat plutot c’est la facon d’enrayer cette crise de la biodiversité. Je propose la voie d’une revolution anthropologique. Pour moi elle fait d’autant plus sens que les scientifiques et economistes sont coincés pour résoudre cette question. Ils en sont a evaluer le prix d’une baleine vivante, ou la valeur monetaire des services rendus gratuitement par la nature. Les delires de la raisons calculatrice.

    Enfin, il faut bien préciser que l’abeille n’est pas en voie d’extinction. Les phenomenes de CCD sont surtout observés dans les pays riches. Comme par hasard dans les regions ou la vision de l’Homme est celle de l’homo economicus. Correlation ne fait pas causalité, mais l’hypothese de travail n’en est pas moins intéressante et peut-ete pertinente.

  3. salut,

    Pour la cochenille, il me semble qu’on l’élève pour la tuer, et les coccinelles sont élevées pour être relacher dans la nature et se débrouiller toutes seules. Pour le vers à soie, il me sembl que traditionnellement c’était une méthode très particulière, les vers étaient élevés dans un espace confiné. Bref, avec si peu de cas et des méthodes et buts si divers, je ne pense pas qu’on puisse tirer de conclusion de la bien portance de ces autres espèces.

    Concernant les ruches, le cube n’est pas adapté à la forme ovale que construisent les abeilles, du coup ça créé une surface froide où l’eau se condense, ce qui a des conséquence sur la colonie. Voir le texte de Marc Bonfils sur la réforme apicole:

    Cliquer pour accéder à Marc%20Bonfils%20-%20La%20reforme%20apicole.pdf

    Concernant l’élevage, je vois une grosse différence entre ce que nous faisons aux abeilles, et la relation fourmis/pucerons. Les pucerons sécretent ces substances pour les fourmis, et ces espèces ont évolué de concert. Pareil pour les arbres et les insectes qui assurent la pollinisation, ou les plantes et les bactéries. Les abeilles ne fabriquent pas du miel pour nous, mais pour elles-mêmes. S’il fallait faire un parallèle, je le ferai plutôt avec l’elevage de vaches laitières, qu’on éleve, « protège »,etc. pour utiliser leur lait, qui ne nous ait pas destiné à la base.

    Même si les scientifiques sont peut être d’accord sur la disparition en masse des espèces, l’attention est quand même focalisé sur les espèces qui nous « rapportent » : abeilles, poissons, ou certaines « vedettes », comme les éléphants et les tigres. Je n’ai pas souvent vu des messages d’alertes sur un insecte en particulier. Qui se soucie de la disparitions des vers de terre dans les terrains cultivés ?

  4. karmai

    Ok, pour l’amélioration possible de l’habitat des animaux domestiqués (ou semi-domestiqués). Je suis très content d’apprendre que des habitats alternatifs existent pour augmenter la qualité de vie des abeilles et ainsi améliorer les conditions de notre co-dépendance partielle.
    Ce que je voulais dire c’est qu’il est très peu probable que ce soit l’habitat des abeilles qui soit responsable de cette situation de CCD. On utilisait ces ruches carrés bien avant l’apparition de ce phénomène.

    Pour les autres insectes cités, ce sont des espèces utiles qui ne semblent pas subir le même genre de phénomène. L’issue de leur vie ne devrait pas vraiment jouer sur l’évaluation de la qualité de l’environnement que nous leur proposons. Ce n’est pas parce que toutes les vaches sont amenées finalement à l’abattoir que nous devons juger, en dehors de cette étape tragique pour elles, leur qualité de vie comme déplorable.

    De plus, petit détail biologique, mais les pucerons comme les vaches ne produisent pas pour une autre espèce. Il se trouve que deux espèces peuvent trouver un intérêt mutuel dans une relation d’échange. Il n’y a à mes yeux pas du tout à dissocier notre activité d’élevage et celle des fourmis, qui sont à des détails près tout à fait semblables sur le fond. Il me semble que ni les vaches, ni les abeilles, ni les bombyx ne produisent POUR nous, mais la relation de co-évolution nous embarque sur le même bateau.
    Là ou ça va vraiment loin, c’est que les abeilles elles-mêmes « pillent » parfois le miellat des pucerons!

    Sinon pour l’extinction massive d’origine anthropique des espèces, il faut bien dissocier plusieurs niveaux de discours. Chez les scientifiques (qui en plus ne représente pas une masse homogènes d’idées et d’idéaux) il y a l’intérêt à sauvegarder des plantes ou des insectes dont le public n’a aucun intérêt. Je trouve qu’au contraire le ver de terre jouit d’une popularité relativement grande du fait de son utilité par rapport au débat sur la biodiversité. C’est vrai que la disparition de Syncordulia legator intéresse peu le grand public.
    Mais c’est aussi le résultat de la communication actuelle qui fait que les organisations de protection de la biodiversité, afin d’être efficace se concentrent sur des espèces emblématique pour toucher un large public. J’en suis le premier désolé, mais les gens ont un rapport d’affection plus grand (et moi le premier) avec un Dauphin qu’avec une libellule. Heureusement, ce genre de choix ne sont jamais à faire et c’est pourquoi en dehors du « marketing » de la biodiversité des grandes ONGs, la communauté scientifique et les institutions internationales s’intéressent beaucoup plus à la biodiversité dans son ensemble plutôt que de se focaliser sur une espèce en particulier.

    Enfin, comme je suis en train de travailler dessus, je voulais juste préciser que mon article était bien moins sur les abeilles en particulier. Mon message est que c’est bien plutôt l’homo sapiens « capable de liberté » qui en train de disparaitre progressivement, et que c’est bien de cela qui devrait être question. La situation des abeilles et de beaucoup d’autres choses s’en trouveraient améliorer si l’on ne mettait sur la liste officielle des espèces en danger que nous-même.

  5. jousseaume

    effectivement réformer l’idée de la liberté telle que nous la concevons aujourd’hui est un enjeu majeur de sauvegarde des espèces et de l’homme lui-même.
    le concept de liberté actuel est hautement toxique
    vieille définition:
    « la liberté s’arrête là où commence celle de l’autre »
    ce qui sous entend apparemment une notion de respect élémentaire dans le fait de concevoir l’autre comme valablement existant et muni des mêmes droits dans le même univers que soi-même.
    sauf que ce concept sert d’alibi et dissimule en fait la pratique courante basée sur « la liberté commence là où s’arrête celle de l’autre » .
    car le respect idéalisé n’est pas l’objectif réel de personnes qu’on a éduquée dans un contexte de dominant sur dominé et dans l’oubli de l’intérêt de toute forme de coopération et dont toute la structure de la pensée perpétue des comportements de prédateurs ou de victimes qui idéalisent la vision qu’ils ont d’eux- mêmes, pour rester confortablement aveugle à la réalité de leur comportements égoistes et tyraniques sur l’environnement et leurs propres congénères.

    la conscience de notre nature humaine oscille autour d’une dualité fonctionnelle, partager ou s’accaparer, dans le but d’assurer la survie de l’unité de base qu’est l’individu.
    la notion de groupe ne prévaut que lorsque dans l’analyse des chances de survie à court ou a long terme, elle est un moyen plus efficace que le chacun pour soi.
    plus l’abondance est restreinte plus la conscience de groupe se développe ( parce que c’est alors la seule option réaliste de survie)
    plus l’abondance est optimale plus l’individualisme égoïste se développe.
    plus la pensée se projette loin dans le temps plus le choix de la stratégie de groupe s’impose
    plus le raisonnement est a court terme plus l’égoïsme primaire domine.

    notre société du jetable et de l’usage unique et individualisé est arrivé au paroxisme de l’égoïsme et de ses effets toxiques sous couvert d’un idéal de liberté qui n’est en fait qu’un enfermement dans une logique de prédateurs intoxiqués par leur fonctionnement au point d’avoir anéantit le réflexe premier de la survie qui est de protéger ses enfants quite à perdre la vie.
    et à partir du moment où notre postérité est moins importante que notre satisfaction immédiate nous agissons envers l’ensemble des mécanismes du vivant avec le même absolutisme destructeur érigé en pseudo-accomplissement .
    le plus fort prédateur bénéficiant des avantages maximums accordés par le groupe et même de l’admiration stupide de ses congénères dussent ils en perdre l’existence.

    complexe de stockholm généralisé.

    concernant les abeilles
    l’un des handicaps majeurs auquel nos petites amies ont a faire face aujourd’hui est l’affaiblissement du système de communication par les odeurs entre les différents niveaux du vivant.
    la pollution athmosphérique étant présente partout sur terre jusqu’aux pôles elle a en autre effet nuisible la perturbation et la destruction des communications sur le mode des odeurs entre les plantes les animaux et l’ensemble du vivant qui est en fait un des plus important médiateur du monde vivant.
    ayant nous-même perdu le sens ( et donc l’intelligence associée) de l’odorat qui chez nous est quasi amorphe nous avons du mal à concevoir par simple carence sensorielle l’ensemble du champ de concepts de communication d’un autre type qui existe dans la nature.
    par ailleurs l’odorat est fortement relié au fonctionnement émotionnel, plus nous perdons l’usage de notre odorat, plus nous perdons l’intelligence émotionnelle au profit d’une intelligence  » sèche ».
    l’intelligence émotionnelle est « ronde » si on peut la décrire ainsi et ouvre à des formes de communication autrement plus élaborées que les raisonnements limités au mode  » sec »
    « ronde » et « sec » étant les mots qui peuvent le mieux approcher une description de cette réalité parallèle à notre entendement actuel qui est tellement réduit que nous n’avons pas de mots pour décrire cela.
    les populations sauvages sur le plan linguistique disposent de variétés incroyables de mots pour décrire des choses de la nature qui n’ont de traduction que sur un mode sensoriel élargi
    ex: les inuits dispose de plus de 25 mots pour décrire la neige là où nous n’avons que « neige »
    éventuellement qualifiée de lourde ou poudreuse
    les indiens des forêts tropicales ont beaucoup plus de mots pour désigner les couleurs notamment le vert le jaune et les différentes nuances de brun, les africains pensent les couleurs avec des mots significateurs de huileux, poudreux, mat, aigu pour signifier la texture même de la couleur.
    nos civilisations  » avancées sont en fait d’avancée réduites.
    et nous ne percevons même pas que la perte de cette sensorialité ouverte est aussi concomitante avec une reduction de notre capacité à penser de manière élargie comme le traduit la perte lexicale de nos moyens de communication à l’image de celle que les exudats de notre fonctionnement toxique impose à l’ensemble du vivant.

    les abeilles souffrent de ne plus rien  » sentir ». les fleurs qui émettaient auparavant des odeurs perceptibles à des kilomètres , n’émettent plus qu’un signal affaibli sur quelques centaines de mètres.
    les abeilles dans leurs gènes ont inscrit un réflexe ancestral de fuite éperdue ou d’autodestruction en cas de danger insurmontable.
    et nous cherchons un virus hypothétique qui serait la cause des mystèrieuses disparitions des abeilles, virus que nous trouverons immanquablement, parce que tout organisme affaibli est la proie de maladies de plus en plus nombreuses et nous cherchons dans notre logique imbécile de capitalisme triomphant et mortifère des solutions médicamenteuses aux virus plutôt que chercher à restaurer la vitalité du terrain qui est la première origine de la maladie jusqu’à ce que le chercheur disparaisse lui-même.

    considérer les abeilles en étant leur serviteur,
    au lieu de les élever comme des esclaves.

    un ouvrage très interressant pour participer à l’avènement d’une autre vision du monde des abeilles
    « L’étonnante abeille Jürgen Tauz »
    http:///www.beegroup.be

    bien au-delà de la vision de la meilleure technique pour obtenir du miel,
    simplement cultiver la meilleure attitude d’être et l’abeille pourrait bien devenir l’alliée précieuse d’un avenir bien meilleur.

    remerciement pour le lien concernant le travail de Marc Bonfils sur la question.

    • flyingdust

      C’est magnifique ce que vous avez écrit, incroyablement pertinent, précis, et concis. J’ai pris beaucoup de plaisir à vous lire, merci!

  6. doudin

    il ne faut pas sortir des grandes écoles pour observer. les éléments vitaux , air, eau, terre sont pollués par une seule espèce : homosapiensdestructor……..
    en cinquante ans j’ai vu disparaître des milliards de papillons, de sauterelles, d’oiseaux…..
    quand l’homme disparaîtra bon débarat

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