Koc’honiñ en Breizh? Rien foutre al païs!

René Dubos disait lors du premier sommet sur l’environnement de 1972 qu’il fallait « penser global et agir local ». Encore faut-il savoir de quel local on parle? Pour moi c’est la Bretagne, pas de doute. J’aurais pu naître ailleurs, dans le Jura ou sur les hautes terres de Papouasie. Au final, aucune fierté particulière dans l’arbitraire totale de l’atterrissage sur cette planète, mise à part un orgueil bien placé pour assumer la contingence d’une naissance ici, plutôt que là-bas.

Ainsi chez moi, la mondialisation s’invite du Subway du coin de la place sainte Anne aux repas au soja amazonien des poulets industriels. L’environnement est essoufflé ici comme partout ailleurs. Dans les terres jadis bretonnantes, des marées vertes equicides repoussent modestement l’industrie internationale du tourisme déjà mollassonne par les crachins réguliers, véritable repoussoir pour aoûtien en mal de mélanine. Problème esthétique surmontable si les plages du grand ouest et le tourisme de masse n’avaient pas remplacé, les années passants, le gagne-pain principal que consistait l’industrie agro-alimentaire productiviste associée à des agriculteurs épandants d’énorme quantité de déjections, aux yeux de tous, la réelle source du problème. Alors que Perrette voyait que l’excédent de son pot au lait couvrait à peine les subventions Européenne de la PAC, les bras lui en churent, et le pot avec eux. Bécassine et le sex-appeal Breton, du Saint-Malo pirate aux fougueuses vagues s’écrasant sur les côtes indomptables, nourrissaient désormais un tourisme florissant et des revenus bien supérieurs. Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée…

Perrette et les tanks à lait (20minutes.fr)

On aurait bien laissé pourrir les algues vertes et la situation sans ce basculement des intérêts. Voyant que les Ulves d’Armorique continuaient de puer l’œuf pourri et que ces salades marines refusaient de partir malgré un embarras visible des riverains et des estivants qui aurait dû les obliger à s’éclipser discrètement, le courageux préfet des Côtes d’Armor s’énerva tout rouge. Alors qu’il avait jusque là fermé sa gueule devant la FNSEA essayé de conserver un consensus pacificateur dans cette problématique complexe, il tirait a boulets rouges sur tout ce qui pouvait être taxé de responsable et notamment l’inaction de l’État. La porte était désormais ouverte à toutes les fenêtres qui remettraient en cause radicalement le modèle d’agriculture productiviste Breton.

Ulva Rotundata – pièce à conviction n°1

Pour Jean-Louis Fargeas, notre courageux élu en question, la solution est toute trouvée, convertir toutes les zones sensibles en prairies permanentes, et ainsi limiter les flux d’azote pour atteindre le fameux sésame, une eau à moins de 10 mg/L, seule à même de rétablir l’équilibre de l’écosystème des bassins versants et sauver les chevaux d’une génocide ignoble. Mais pourquoi n’y avaient on pas pensé avant? Pour tout le monde, il était clair que ces fainéants d’agriculteurs n’y mettaient pas assez du leur.

L’efficace petit père des peuple et grand leader Russe le disait lui même: « Les hommes sont sources de problèmes, plus d’hommes plus de problèmes ». Ce pragmatisme qu’il ne faudrait pas confondre avec une glaciale ironie slave pourrait sembler nous donner la solution. Ainsi, comme les agriculteurs Bretons sont source du problème, plus d’agriculteurs, plus de problème. Limpide.

Joseph Vissarionovitch Djougachvili dit Staline- 1902

Malheureusement, dans mes terres natales pleines de bigoteries, de croix et de calvaires, région française lauréate pendant plusieurs siècles du catholicisme le plus obtus, on entretenait un humanisme tenace et ambiguë, fort récalcitrant aux idéologies du meurtre de masse. Voila qui complique bien notre propos et notre sortie de crise. La déportation de cette population gênante, solution intermédiaire matériellement envisageable, cache difficilement un relent historique encore trop présent dans la mémoire collective, et se doit elle aussi d’être écartée.

Calvaire de Plougastel – L’agriculteur blâmé reçoit des paires de baffes

Gros-Jean comme devant, il fallait bien que l’on trouve tout de même une solution quelque part. Un hurluberlu post soixante-huitard en proposa une. Le problème ce ne serait pas les agriculteurs, mais l’absurdité. En effet, si l’agriculture bretonne crée autant de richesses qu’elle n’en obtient par subventions et autres coûts, pourquoi ne pas simplement payer ces agriculteurs à ne rien faire? En effet, la viande de porc et de poulet n’étant en aucun cas vital pour l’humanité, alors, pour un coût nul pour la collectivité, on obtiendrait un endroit agréable pour les touristes, le retour des saumons dans les rivières Bretonnes, des agriculteurs qui se la couleraient douce sans avoir besoin de produire de la merde pour survivre, moins de CO2 du fait de l’élevage, moins de Soja importé des ruines de l’Amazonie. De l’avis de tous, des choses désirables en soi.

Ne riez pas, bons bourgeois remplis de votre valeur travail. La mise au ralenti de l’agriculteur n’est pas un délire ubuesque d’un nihiliste, mais bien déjà partiellement la réalité. Oyez, oyez! Sachez gentes dames et bons messieurs que depuis l’an de grâce 2003 il fut introduit (terme technique je m’en excuse) les aides découplées. Qu’est-ce dire? Concrètement parlant, si autrefois un honnête paysan touchait 100 euros d’aides pour produire un hectare de blé, les instances Européennes imposaient la dure règle de devoir mettre un hectare en production…de blé.

Supercalifragilisticexpialidocious

Et hop, tour de passe passe, aujourd’hui vous pouvez toucher la même subventions pour un hectare de blé en ne produisant…rien. Retenez bien ce mot: Dé-cou-plage. Dans le genre déconnexion du revenu et du travail, c’est une belle innovation, qui, je le crois, est évitée d’être trop criée sur les toits pour d’obscures raisons de travailler plus pour gagner plus. Toutefois, elle est promise à un grand avenir. Il suffirait d’aller jusqu’au bout de cette simple logique, reconnue à l’échelon européen, excusez du peu.

Que Jean-Louis Fargeas accroche ces bretelles. Il voulait de la révolution dans les campagnes, et voilà l’élite agricole de la nation qui lui en donne de quoi s’en mettre sous la dent. Du pas cher et qui fera jaser dans les chaumières. En Bretagne, comme peut-être ailleurs, j’en appel à la responsabilité des agriculteurs. A l’heure de la mondialisation, amis paysans, pour sauver la planète, il est temps de faire pousser des poils dans les mains. C’est pas beau le penser global, agir local?

4 Commentaires

Classé dans Agriculture, Bretagne, Economie, Humour

4 réponses à “Koc’honiñ en Breizh? Rien foutre al païs!

  1. rahane

    j’ai délicieusement bien ri,
    un excellent cru ce texte de début d’année.

    Et oui,
    nous sommes dans l’année où le non faire va faire valoir ses mérites.
    La non action comme action positive,
    un art comportemental très zen,
    la sagesse ancestrale des peuples primitifs ( le trop est l’ennemi du bien)
    j’avais lu quelque part qu’un économiste avait calculé que si tout le monde travaillait 2h par jour tous les besoins de l’humanité seraient comblés étant donné la démultipication des capacités d’action apporté par l’assistance des machines.
    Comme ma référence date un peu, logiquement on doit en être à 1h30 maintenant.
    Par ces temps de chômage grandissant, ( on vient de passer la barre des 10% en moyenne sur l’europe entière) ( 10% déclaré… du nombre des travailleurs qui ne représentent déjà que 60% au grand maximum de la population totale )
    On va assister à une forme de chaos surréel.
    Dans l’inconscient collectif est gravée la peur du chomage de masse datant d’ époques où justement les machines étaient rares. Les gens non-employés non-travaillant ne généraient donc pas de valeurs d’échanges et tout s’est alors rigidifié jusqu’à l’éclatement.
    La peur est là , mais le contexte différent.
    Les banquiers n’ont plus peur de créer de l’argent en fonction des besoins,
    La capacité de couverture des besoins vitaux (surproduction) existe même si l’on maintient artificiellement des manques histoire de valider la peur de la misère, et tenir la foule en respect de l’ordre établi.
    La paix est devenue une habitude:
    résoudre les problèmes par la guerre entre nous semble vraiment la plus primitive voire même indécente des solutions. Même s’il reste des gens qui auraient des relents d’envie d’en découdre, leur âge moyen rendra bien vite velléitaire l’ancienne envie de prendre les armes pour se battre contre des moulins à vents.
    Bref nous allons vivre un moment historique de confrontation entre la réalité et la nécessité d’une forme de transcendance des anciens schémas qui téléguident notre besoin activiste de croire que l’action est la seule solution à tous les problèmes.
    Ne rien faire est déjà l’essence du travail de pas mal de gens qui seraient bien en mal d’expliquer ce qu’ils font autrement que par le fait d’occuper un certain décor.
    Ne rien faire comme solution est un gros travail de réforme des croyances associées à l’idée de paresse.
    Nous allons découvrir le miracle, lever le voile sur notre société, le monde pourrait s’arrêter de tourner si nous continuons à nous agiter, il risque bien de persister à tenir debout même lorsque nous nous arrêtons de travailler.
    Mystère de l’abondance contre agitation fondée sur la croyance en un manque permanent.
    à quoi pourrions nous donc envisager d’utiliser le temps qu’il va nous être donné de vivre hors nous ennuyer et déprimer de n’avoir rien à faire? et bien nous pourrions décider de consacrer ce temps de remise en question à sculpter nos manches de pioches au repos, ce que faisaient les paysans d’autrefois ( depuis la préhistoire).
    et rédécouvrir comment passer son temps sans le perdre à restaurer la beauté, la créativité,l’émerveillement, comme élément fondateur d’un nouvel art de vivre mieux et s’essayer à croire que la planète nous épargnera ses colères d’essayer de faire pour le mieux.

    rappel: en cas de déluge, de neige surabondante, de canicule éblouissante, de démonstrations grandioses de la puissance de la nature,
    le mieux est de ne rien faire.
    lutter serait stupide.

  2. Ce genre d’initiative mène tout droit vers celle de rémunérer les « puits de CO2 » que peuvent représenter les forêts. Plus on abandonnera les terres agricoles à la vie sauvage, en y laissant pousser les arbres, plus on touchera de subventions.
    C’est effectivement absurde, mais il me tarde de voir les agriculteurs conventionnels se transformer en gardiens de forêts climaciques sauvages !

  3. doudin

    oui!!! oui!!!! oui!!!! oui!!!! oui!!!! oui!!! oui!!!! oui!!!
    je fais du bel ouvrage….. non au travail!!!!!!!!!

    laissons germer les poils dans la main et créons des usines à déconditionnement

    le seul ouvrage qui puisse sauver cette magnifique planète

  4. Pingback: Vite, la nouvelle transition alimentaire ! — APALA

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