L’agroforesterie est productive et résiliente

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Une équipe de chercheurs Français a démontré l’efficacité de l’agroforesterie dans le cadre traditionnel de l’agriculture mécanisée et industrielle. Les résultats biologiques et économiques sont au rendez-vous avec des gains spectaculaires. Reste à convaincre le champs du politique dans le cadre de la  politique agricole commune (PAC). Le risque d’un rendez-vous manqué est probable même si l’histoire semble devoir donner inéluctablement raison à ces découvertes.

L’équipe de Christian Dupraz de l’INRA de Montpellier a analysé des systèmes agricoles tout à fait innovants dans nos climats, basés sur les principes de l’agroforesterie. En mélangeant arbres et céréales ils obtiennent un SEA (Surface Equivalent de l’Association) de 1,4. Ce qui veut dire que l’association arbre-céréale est capable de produire sur un hectare ce qui en nécessite 1,4 si arbres et céréales sont cultivés séparément. Dit autrement, il s’agit d’un gain de productivité à l’unité de surface de 40%! Des résultats extrêmement prometteurs pour l’avenir car se sont des augmentation de productivité très significatives.

Ce résultat est d’autant plus important qu’il fait face à la stagnation des rendements en blé en Europe depuis les années 90, résultant de l’instabilité climatique. L’agroforesterie réussit à augmenter la productivité par unité de surface tout en créant des systèmes plus résilients. En effet, l’arbre et la céréale forment deux revenus différents qui divisent ainsi la prise de risque. Encore plus et surtout, dans cet agroécosystème, l’arbre protège régulièrement les céréales contre le vent, l’échaudage et semble favoriser des auxiliaires des cultures qui stabilisent ce système en le protégeant de trop fortes perturbations. Sans mentionner que de tels systèmes stockent plus de carbone.

Au niveau économique, les évaluations sont bonnes également et les calculs de SEEA (Surface Economique Equivalente de l’Agroforesterie) sont très enthousiasmant. En fonction des systèmes étudiés, cette valeur varie entre 1,7 et 2,5. Cela veut dire qu’un agriculteur gagne sur un hectare avec l’agroforesterie ce qu’il aurait gagné avec 1,7 à 2,5 hectare dans le cas où arbre et culture sont séparés.

Deux freins majeurs pour ces résultats exceptionnels. Tout d’abord, l’investissement initial. L’agroforesterie coute chère au départ à celui qui l’implante car il doit plus investir mais les revenus à la récolte des arbres sont très significatifs comme on a pu le voir. Pas évident de voir loin au niveau économique, surtout en cas d’incertitude sur l’avenir. Ensuite, le problème des représentations, on a relégué l’arbre à la marge dans beaucoup de systèmes agricoles, parce qu’il gène la machine, a des racines qui peuvent rentrer en compétition avec d’autres cultures, etc. La réintroduction de l’arbre au coeur de l’agriculture entre en collision avec nos représentations.

L’enjeu de ces résultats à être pris en compte par des décideurs est de taille car nous nous situons en plein période de modification de la PAC. Le président de l’Association Française d’Agroforesterie (AFAF), Alain Canet, tente de faire valoir à Bruxelles tous ces avantages mais aussi de faciliter les efforts à entreprendre pour lever les freins à la création de cet or sous nos pieds.

« On a de l’or sous nos pieds »

La nouvelle PAC, qui verra le jour en 2013, nous dira s’il a été entendu et si nous aurons l’intelligence de faire ce premier pas vers l’agroforesterie.

Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je ne peux que conseiller l’excellent ouvrage de Christian Dupraz et Fabien Liagre Des arbres et des cultures.

16 Commentaires

Classé dans Agriculture, Alimentation, Climat, Economie, Politique

16 réponses à “L’agroforesterie est productive et résiliente

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  2. Est ce que tu as la productivité des céréales sur un ha en agroforesterie par rapport à un ha de céréales pures ?

    • karmai

      Ce n’est pas exactement comparable car l’hectare de céréales en agroforesterie a des rendements à l’hectare qui évoluent en fonction de l’avancement des arbres. Ce qu’on peut retenir toutefois c’est le fait que les rendements en blé sont similaires à un champ en monoculture au moins les 10 premières années de la pousse de l’arbre. Ce qui veut dire que la productivité à l’unité de surface n’est pas affectée par l’arbre pendant les premières années de l’association.

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  4. flyingdust

    ce genre de proposition sont d’excellente propositions de transitions pour des agriculteurs qui ont des surfaces conséquentes et fait des investissements lourds en machineries agricoles. Les parties plus nordiques de l’europe et de la France convienne particulièrement bien à cette association, une plaine étant laissé à l’abandon devenant naturellement une forêt en même pas vingt ans ( il s’agit donc dans cette pratique de cadrer et de s’inspirer de prédispositions naturelles à nos climats). Je crois énormément en cette méthode rien que pour absorber nos excédents d’eau pendant les mois froids et protéger nos sols des rayonnement pendant les mois et les heures les plus chaudes. J’ai une petite interrogation auquel tu sauras peut être répondre: dans un excellent livre que tu conseilles à ce sujet et que j’ai pu feuilleté ils parlent d’associations céréalières/ plans de noyer car celui ci débourre tardivement et offre un bois de très haute valeur marchande. Par contre le noyer est réputé émettant des toxines agressant les plantes dans un certain périmètre. Cette association est elle néanmoins pérenne? Une certaine distance doit elle être respectée?

    • karmai

      Oui l’association Noyer/céréale est intéressante. Les feuilles de noyer peuvent effectivement gêner l’activité du sol. Toutefois, c’est surtout observé dans des plantations avec uniquement des noyers ce qui fait une couche de feuille importante. Ici, la densité de plantation plus lâche semble ne pas créer le même problème. Le nombre de plan est de 100 pieds par hectare, la distance entre les arbres est de 12 mètres.

      • flyingdust

        Et quel serait l’espacement entre les lignes ? Un trentaine de mètre? Est-ce que de manière générale on espace les lignes en largeur par la hauteur finale de l’arbre (ou cela doit être supérieur?)

      • karmai

        C’est 12 mètres entre les lignes (la largeur de coupe d’une moissonneuse). Entre les arbres je crois que c’est autour de 5 à 6 mètres.

      • flyingdust

        ok? dis donc cinq, six mètres d’espacements pour des noyers, c’est serré. Sans doute que pour du bois d’oeuvre et avoir un fût bien droit et haut ça ne porte pas à préjudice.

      • karmai

        N’oublie pas que la proximité des arbres est surtout un problème vis à vis des racines et que chaque arbre à certes 3 mètres avant les racines de ses voisins, mais 6 mètres jusqu’à ceux d’en face.

  5. flyingdust

    ah et autre question. Les arbres ont une des meilleures capacité de stockage de carbone du monde végétale. Mais est-ce que plus les doses de carbones sont élevées dans l’atmosphère, plus ils poussent avec facilité. Par exemple pousseraient t’il mieux durant notre siècle de fortes émissions carbonnées que pendant le 19 ème siècle par exemple? Si ça s’avère vrai, c’est une excellente nouvelle et manière de tirer parti de nos émission, au lieu comme tu dis de regretter un hypothétique « équilibre » naturel passé.

    • karmai

      Oui l’augmentation du Carbone dans l’air, accélère la photosynthèse des plantes. En cela, l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère est favorable à la pousse des arbres. Si nous n’avions que cela comme effet du CO2 ce serait très positif. Toutefois, malheureusement, l’augmentation de CO2 semble provoquer également une modification de certains équilibres climatiques auquel il pourra potentiellement être difficile de s’adapter dans les régions les plus pauvres.

  6. flyingdust

    Merci pour ta réponse! Bien sur je ne vois pas ce recyclage de carbone comme une façon de se dédouaner et de polluer encore plus 🙂 Maintenant je crois qu’il serait plus réalisables pour nos sociétés industrialisées de planter massivement des arbres et de réaménager légèrement les villes en fonction de ça (générateur d’emplois stables?) que cette diminution souhaitée d’émissions qui me semble particulièrement floue et difficile à mettre en place dans un système qui recherche coûte que coûte une relance de la croissance. D’ailleurs ça se solde jusque maintenant par de retentissants échecs. Utiliser les armes de l’adversaire: créer de la croissance par plantation d’arbres, utiliser et fermenter les résidus de taille pour produire du gaz et de l’électricité. (je m’intéresse très peu à l’économie donc peut être qu’en parlant de croissance avec des plantations je viens de dire une grosse connerie :-))

  7. BUMHY KAPAY Jules

    En Afrique Centrale, précisément en R.D.C, bon nombre de populations habitants les provinces (cas de Bandundu et Bas-Congo) ont la foret comme entreprise. Ils font les champs pour vendre les récoltes et recevoir l’argent. Pour le faire, ils déboisent des hectares et hectares des espaces vertes chaque année sans cultiver (des arbres forestiers). Et nous avons aujourd’hui des grandes étendues désertes que nous n’avions pas il y a 5, 10 et même 20 ans. Je me demande ce qui arrivera dans 10 ans avenir.
    Pour moi, il faut une intervention dans l’immédiat étant donné que le taux de natalité monte vite, le besoin aussi s’augmente.
    – La prise de conscience de l’homme, seul agent causale de destruction et seul acteur de lutte contre ce phénomène,
    – Stopper trop de discourir autours, passons aux actions concrètes qui améliorent la condition de vie de l’homme,
    – Sensibiliser la population sur les risque de déforestation,
    – Proposer les techniques et stratégies de réduire la vitesse de dégradation ou de déforestation, seraient le début de réussir les actions de lutte contre le réchauffement climatique.

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